Les bonheurs de Marthe

Entrevue

Pour être franche avec vous, au moment même où nous avons pensé vous offrir une édition toute printanière mettant en vedette les bienfaits et les pouvoirs thérapeutiques du jardinage, le nom de Marthe Laverdière s’imposait par lui-même. Le bonheur qui jaillit chaque fois que nos mains se retrouvent dans la terre, elle le partage avec nous. Celle qu’on a découverte en 2016 avec ses drôles de capsules horticoles nous a montré depuis qu’elle fait partie de ces humains dont on a beaucoup à apprendre. Alors qu’elle vient tout juste de lancer le troisième tome de Jardiner avec Marthe, c’est tout en douceur qu’elle a accepté de se livrer à nous… presque à nu.

ME112

©Julia Marois - Magazine Mieux Etre

La vérité… juste la vérité
Si elle réussit à toucher le cœur des gens, toutes générations confondues, c’est qu’avec Marthe, il n’y a que du vrai. « Je n’ai pas toujours été comme ça. Comme plusieurs, moi aussi, je me suis forgée à travers les années toutes sortes de personnalités. En fait, j’en ai déjà eu trois de front, et croyez-moi, c’est très difficile à maintenir toute une vie. » C’est mise au pied du mur, devant faire face à une grosse dépression, que Marthe a dû faire des changements radicaux. « À l’époque, j’en avais gros sur les épaules. Je voulais être à la fois l’épouse, la mère et l’entrepreneure parfaite. Puis, il y avait la petite Marthe, celle qui me criait sans cesse de ralentir, qui avait peur pour moi et qui n’aimait pas ce qu’elle devenait. J’ai la chance d’avoir un mari sensé et sensible (qu’elle surnomme affectueusement Minou) ; il a compris que je devais faire une cassure importante pour arriver à poursuivre mon chemin. Je suis allée me réfugier plusieurs jours dans notre chalet (situé juste à côté de la maison) en prenant bien soin de demander à tous de me laisser seule. J’avais besoin de partir à ma rencontre. Outch… ça n’a pas été facile, mais à partir de ce moment, j’ai compris que c’est en choisissant l’authenticité que j’allais arriver à être bien et heureuse. Je ne l’ai jamais regretté. »

Une vie riche en émotions
Marthe avait à peine deux ans quand sa mère est décédée. C’est chez sa tante Jeanne qu’elle fut accueillie, celle-là même qui allait lui faire découvrir l’importance du respect de la terre. « J’ai un souvenir très précis du moment de ma première communion avec la nature. J’avais trois ans et demi. Derrière la maison de ma tante, il y avait un superbe jardin. Alors que je confondais les plants de carottes avec les arbustes, j’ai décidé de partir en courant à travers ceux-ci. Vous auriez dû voir le regard de ma tante Jeanne… j’ai vite compris que j’avais fait quelque chose de mal. « Ma fille, qu’elle me dit. Tu viens de manquer de respect à la terre. Un jardin, c’est comme la vie, tu dois en prendre soin et le traiter avec amour. » Malgré son jeune âge, la petite Marthe venait de grandir tout d’un coup.

Devenir sage avant le temps
Marthe est rapidement devenue responsable. « Apprendre à cuisiner et à faire son lavage alors qu’on a à peine 10 ans, ça force un enfant à grandir sur un moyen temps. Je me suis mariée à 19 ans, je suis devenue mère pour la première fois à 21 ans et, à 26 ans, ma famille était complète. J’avais eu trois beaux garçons, j’avais donc réussi ma vie. D’ailleurs, c’est pour rester auprès d’eux que j’ai décidé de me lancer dans les affaires. C’était tellement important pour moi d’être présente pour mes enfants, moi qui avais tant souffert de l’absence de ma mère. »

Sa famille, son pilier
À travers tout ce que la vie nous envoie de beau, mais aussi de moins beau, c’est aux côtés de ses proches que Marthe se sent la plus forte. « J’ai tout un clan avec moi et je suis pas mal chanceuse. J’ai toujours rêvé d’avoir une grande famille, alors mettons que je suis servie. J’ai huit petits-enfants qui me comblent de joie et de bonheur. » On imagine bien grand-maman jouer et raconter des histoires, mais surtout, être présente pour chacun d’entre eux. « Tu sais ce que j’aime le plus ? Quand mes enfants me demandent de garder les petits ! Je suis la meilleure gardienne au monde, je ne dis jamais non. La vie prend tout son sens simplement parce qu’ils sont là, chez moi, dans mes bras. »

ME112

©Julia Marois

Marthe, la sorcière
Peut-être vous est-il déjà arrivé de ressentir certaines choses avant même qu’elles ne se produisent ? Marthe avoue que ce genre de situation lui arrive très souvent. « Certains appellent ça de l’instinct ! Si tu permets, je vais te raconter l’histoire de ma première -petite-fille, -Jeanne. Bien avant qu’elle ne naisse, je l’ai vue dans un rêve. J’ai tout de suite su que c’était ma petite-fille… cependant, j’ai remarqué que quelque chose n’allait pas. J’essayais d’aller vers elle, mais tout un mur de verre l’entourait et la rendait inaccessible. Je me suis réveillée infiniment bouleversée et hantée par ce rêve. Quand j’ai appris, quelque temps plus tard, que ma belle-fille était enceinte, j’ai su qu’elle portait Jeanne. Je suis devenue soudainement inquiète… jusqu’au moment de l’accouchement. Ma petite fille était en parfaite santé. Plus tard, nous avons appris que Jeanne, alors âgée de sept mois, était malade. Elle était atteinte du syndrome de Rett. Une maladie génétique qui affecte le développement de l’enfant. »

La Fondation Marthe Laverdière
Après l’acceptation de la maladie est venue l’envie de créer quelque chose qui donne un sens à tout cela. Se considérant comme privilégiée, Marthe eut l’idée de créer une fondation pour les enfants différents comme Jeanne. Le but ? Sortir les parents de l’isolement, fournir une aide financière et du répit aux familles en plus de leur donner accès à des spécialistes. « Tu sais quel serait mon plus grand rêve ? -Avoir la possibilité, un jour, de voir naître une maison de répit où les gens pourront dire "On est chez nous ici !" Je serai sur cette terre tant et aussi longtemps que ce projet ne sera pas mené à terme, c’est très important pour moi. » Notez que les redevances des deux précédents tomes de Jardiner avec Marthe ont été versées à la fondation.

Apprendre la résilience
Marthe a vite compris que son équilibre passerait à travers sa relation fusionnelle avec la terre. Pour plusieurs d’entre nous, particulièrement depuis le début de la pandémie, jardiner est devenu un exutoire, un terrain de jeu, un endroit pour se ressourcer et reprendre son souffle. Comment expliquer cet effet thérapeutique ? « C’est très simple… la nature est plus forte que toi. Tu n’as pas le choix de l’aborder avec humilité, avec ouverture et sagesse, car c’est elle le maître. Toi, tu es l’élève. Quand tu as compris ça, c’est le bonheur. » Dans le troisième tome de Jardiner avec Marthe, elle nous ramène à la base. « Un beau jardin, c’est un jardin imparfait. Il faut se rappeler que notre cour, ce n’est pas une maison. C’est un milieu de vie qui ne t’appartient pas. En fait, le plus précieux des enseignements transmis par la nature est celui de la résilience. Cet écosystème est capable de tout, comme de se rétablir après chaque perturbation extérieure, si ce n’est pas de la résilience ça ! »

La permaculture, vous connaissez ?
L’approche de Marthe dans ce troisième tome est celui de la permaculture. Pourquoi ? « Parce que c’est une démarche importante pour celui qui respecte la terre. Le but, c’est de prendre soin de la nature, des humains qui nous entourent et de partager équitablement. Comment ? En s’inspirant du fonctionnement des écosystèmes et des savoir-faire traditionnels. En résumé, il faut aimer la terre sans vouloir la contrôler. La laisser vivre comme elle l’entend. »

En rafale
La mission de Marthe

Dès le moment où Marthe a compris que sa passion pour la nature allait devenir sa voie, elle s’est fait un devoir de toujours la respecter sans jamais se voir plus grande qu’elle. « Je ne suis que le passeur, tu comprends ? Je me vois un peu comme l’oiseau qui vient se nourrir à même mes plants. En mangeant les graines, il passe la vie à son tour. Il collabore au maintien de la nature et de son équilibre. Je crois que c’est ça, ma mission… maintenir l’équilibre de la vie. »

Le chiffre 3
Il est définitivement son chiffre chanceux. Elle a écrit deux trilogies, elle a eu 3 enfants et elle est née le 23-03-1963.

Son plus grand rêve  
Que sa fondation lui permette d’amasser assez de sous pour construire La maison de Jeanne. Une maison de répit pour aider les parents d’enfants malades.

 

Pour tous les détails de sa tournée de spectacles et conférences, consultez le
www.marthelaverdiere.com

Par ­Valérie ­Guibbaud

À lire aussi

Par Andréanne Blanchard
Par Andréanne Blanchard