La santé intégrative : une piste à explorer au sein de l’offre de soins ?

Par Jean Drouin, M.D. - Parole d'expert

À l’heure où le système de santé québécois entreprend une réforme prioritaire, considérer la philosophie du concept de Santé intégrative ne semble plus aussi étonnant : le consommateur de soins est et sera appelé à avoir une part active dans son processus de soins et de guérison; de plus, la santé intégrative est déjà largement acceptée et ses thérapies sont déjà intégrées au sein des systèmes de santé internationaux.

En effet, le concept de santé intégrative a largement évolué depuis cette timide appellation de « médecines douces » des années 1970. Comme médecin, j’ai été témoin de cette évolution plus que positive depuis les dernières cinquante années, autant au sein de la pratique de mes pairs, que de la mienne et également, lors de certaines expériences.

Ma première découverte de la santé intégrative et ses bienfaits
Lors du tout début de ma pratique médicale j’ai eu à me sensibiliser à l’essence de ce paradoxe qui nous place entre la science et le processus de guérison. Évidemment le contexte médical oblige une pratique suivant des données dites probantes ou scientifiques. Mais, j’ai observé une série de situations cliniques qui se sont améliorées avec d’autres interventions qui n’avaient pas la rigueur scientifique requise au sein de ma profession.

Le Cas de Théo
Un des premiers cas dans ma pratique a été celui de Théo

Théo, 64 ans, avait consulté plusieurs fois le médecin qui m’avait précédé dans la clinique médicale, pour fatigue, douleurs musculaires, insomnie, « mal de vivre », essoufflements…

Ce même médecin avait procédé à une investigation de base, une procédure normale pour l’époque.

Théo arrive dans mon bureau et il me confie que le médecin avant moi l’avait guéri d’un cancer du poumon. Je constate en révisant le dossier que ce médecin lui a dit faussement, sans preuves évidentes, qu’il avait un cancer! Ensuite, il lui promet la guérison en lui installant à domicile des solutés vitaminés ! Et moi de lui répondre : Théo, tu n’as pas jamais eu de cancer du poumon… Il me répond: « mon jeune homme tu es mieux de retourner aux études, je vais mieux depuis ce traitement. »

Sans endosser l’approche du médecin qui m’a précédé, je constate que l’amélioration de son état de santé ne respecte pas les données probantes. Je décide donc à ce moment d’entreprendre une quête pour mieux comprendre ce processus si complexe de guérison et explorer les concepts émergents à l’époque de la médecine fonctionnelle, c’est-à-dire une approche médicale centrée sur le patient.

A la recherche du concept de santé globale
Après des formations en médecine chinoise et acupuncture, j’obtiens un D.O. en ostéopathie et poursuit avec trois formations en homéopathie au Centre d’Enseignement et de Développement en Homéopathie (CEDH), fondé en 1972 en France 1. À la toute fin de ce processus, toujours dans le but de cheminer dans la compréhension de cette étrange quête du processus de guérison, je me suis intéressé à la façon dont les premières nations soignent traditionnellement. Vous comprendrez que mon but n’était pas de pratiquer toutes ces approches en même temps. Il était plutôt question de mieux comprendre l’intégration possible de ce processus de guérison dans le système de santé et de développer son utilité dans les protocoles de soins. Toutes ces formations se sont déroulées avec un modeste fond de recherche clinique à travers ma pratique médicale. Et, à la fin de mes formations, j’ai développé le concept de santé globale.

La prise en charge du patient en santé intégrative
Le principe du concept de santé globale se veut très simple : le patient qui consulte me rapporte un ou des symptômes. Je procède alors à l’examen médical et l’investigation pertinente et prescrit le traitement médical requis. Cependant, je le questionne sur son alimentation, sa gestion du stress, son programme d’exercices physiques, son environnement et sur son sens de sa vie (spiritualité). Ces deux derniers aspects sont plutôt inhabituels dans l’investigation classique en médecine.

Différentes approches complémentaires utilisées
Suivant le cas, des soins en approche de médecine intégrative peuvent être suggérés : acupuncture, médecine chinoise, médecines manuelles, massothérapie, phytothérapie, aromathérapie, méthode de relaxation, etc. Et, à la suite de la réflexion en 2014 de Beth Rosenthal, PHD – MBA, une sommité internationale de la médecine intégrative, les données probantes avec les pratiques émergentes doivent être favorisées et considérées. Ce qui nous introduit en plein concept de la médecine intégrative. Suivant Rosenthal, il est important qu’il puisse exister une combinaison sécuritaire des approches thérapeutiques conventionnelles et complémentaires dans les plans de soins.2

Dans le concept de médecine intégrative, il y a le respect de la culture qui s’installe. Par exemple, la communauté asiatique de l’ouest du pays a ses besoins particuliers et des attentes différentes en santé. Au 72e congrès de l’OMS le 21 mai 2019 on a émis un communiqué où il est nécessaire d’établir un monitoring des pratiques de médecines intégratives dans 179 pays participants.3 La médecine intégrative doit donc augmenter son lot de données probantes.

La collaboration interprofessionnelle au rendez-vous? Oui mais…
De plus, la collaboration interprofessionnelle doit être significative, mais il y a un écueil : cette collaboration doit se faire entre membres de corporations professionnelles surtout pour les médecins qui, suivant leur code de déontologie, doivent référer aux thérapeutes membres d’ordres professionnels reconnu. 

Un programme universitaire sur la médecine intégrative ? Pourquoi pas ?
Sur cette trame de fond, je considère que le concept de médecine intégrative aurait intérêt à être enseigné à l’Université en sciences de la santé. Pour ensuite la considérer sérieusement, sans la dénaturer, pour qu’elle soit reconnue et intégrée dans le système de santé à sa juste valeur à la fois préventive et curative. C’est une excellente piste en soins de santé quand de nombreux thérapeutes bien formés mais toujours sans ordre professionnel sont sur la corde raide parce qu’ils ont fait une recommandation en santé, avec les notions de prévention et de soins V/S les codes de déontologie des professions.

Il y a donc une nécessité d’une intégration légale des thérapeutes non-membres de corporations professionnelles au système de santé avec bien entendu les formations appropriées.

Cours en santé intégrative aux étudiants en médecine à l’université Laval
Depuis plusieurs années je donne le cours sur les médecines intégratives aux étudiants en médecine de l’Université Laval (3 heures). Le concept de base de toutes ces médecines les surprend car, comme exemple, de faire un diagnostic avec seulement les pouls chinois n’a pour eux aucun sens. Ou prendre un produit en dilution homéopathique tient du placebo.

Quand on les amène dans l’univers de la recherche sur les approches, ils pourront constater qu’on produit une recherche sur la modulation des cytokines pour réduire l’inflammation avec des traitements d’acupuncture. Une méta-analyse parue en 2018 prend en compte 39 études concernant 20 827 patients qui ont consulté pour douleurs chroniques et reçu des traitements d’acupuncture, conclut que l’effet de l’acupuncture ne peux s’expliquer uniquement par l’effet placébo.  Et je ne cite que ces recherches à titre d’exemple. Il y en a une multitude et à la grande surprise de tous les scientifiques, la recherche fondamentale en homéopathie utilise des techniques modernes, performantes et variées : spectrométrie, puce à ADN, microscopie, PCR etc. Elle inclut plusieurs équipes : suisses, italiennes, allemandes, françaises, brésiliennes, indiennes. Ces recherches ont prouvé une action biologique des solutions homéopathiques sur des modèles cellulaires, animaux et végétaux.4

En conclusion
Il y aurait définitivement un gain important pour le système de santé québécois à intégrer la médecine intégrative et favoriser une meilleure cohésion des professionnels en décloisonnant sous une nouvelle base de soins, enseignement et recherche; ce qui est la marque de commerce de tout programme universitaire. Souhaitons que le meilleur soit à venir…pour la santé des Québécois.

RÉFÉRENCES:
1
   CEDH | Accueil

2    Rosenthal, Beth, PHD, MBA, MPH, directeur du groupe "Académie Collaborative for integrative Health Council Medecine integrative, Chea Y, & Al , 2007

3     WHO global report on traditional and complementary medicine 2019, section “Forword”, page 5

4   Olioso D, Marzotto M, Moratti E, Brizzi M, Bellavite P. (2014) « Effects of Gelsemium sempervirens L. on pathway-focused gene expression profiling in neuronal cells.» J Ethnopharmacol. 2014;153(2):535‐539

Marzotto M, Olioso D, Brizzi M, Tononi P, Cristofoletti M, Bellavite P. (2014) « Extreme sensitivity of gene expression in human SH-SY5Y neurocytes to ultra-low doses of Gelsemium sempervirens. » BMC Complement Altern Med. 2014;14:104.

Harrer B. Replication of an experiment on extremely diluted thyroxine and
highland amphibians. Homeopathy, 2013; 102(1):25-303

Jäger T, Scherr C, Simon M, Heusser P et al., Effects of homeopathic arsenicum album, nosode, and gibberellic acid preparations on the growth rate of arsenic-impaired duckweed (Lemna gibba L.). ScientificWorldJournal, 2010; 4(10):2112-29 

Livres du Dr. Jean Drouin, traitant de concepts en médecine intégrative :
« Guérir sa vie. », Drouin Jean, Éditions  Le Dauphin Blanc, 2006, p.161

« Vieillir en jeunesse. », Drouin Jean, Éditions  Le Dauphin Blanc, 2008, p.117


À propos de l’auteur :
Jean Drouin obtient son diplôme de médecine de l’Université Laval en 1973, où il enseigne aujourd’hui. Il est professeur de clinique au département de médecine familiale et professeur chargé de cours à la Faculté de pharmacie.

Le Dr Drouin a été chef de service de la clinique de planning familiale du CHU de Québec de 2001 à 2021. Il est le chef fondateur de la Clinique D'Andropause de Québec et est responsable du Colloque en santé de L'homme depuis 2005.

Dr Drouin a suivi des formations en acupuncture, ostéopathie et homéopathie. Il agit à titre de conseiller sur les médecines alternatives et complémentaires pour différents groupes de professionnels et il donne également des conférences sur les médecines intégrées, au Québec et à l’étranger.

Le Dr Drouin pratique en médecine privée depuis octobre 2021 dans le secteur ménopause et andropause. Il agit comme chroniqueur et vulgarisateur en santé dans les médias et il est l’auteur de plusieurs livres.

Par Jean Drouin, M.D.

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